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​première année
thomas lilti

Le cinéaste et médecin Thomas Lilti signe son troisième long-métrage autour de l'univers médical. Après Hippocrate où il suivait un jeune interne et Médecin de campagne où il filmait, de façon quasi-documentaire, le quotidien d'un médecin en milieu rural, ici, avec Première année, il choisit de suivre deux étudiants en PACES (Première Année Commune aux Études de Santé), l'une des plus dures de l'Enseignement Supérieur Français.

Avec Vincent Lacoste et William Lebghil en acteurs principaux le cinéaste-médecin signe un film qui se laisse regarder malgré le fait qu'il loupe le coche en voulant en faire un grand film populaire. Manque criant de mise en scène, dialogues creux, situations attendues, cette nouvelle réalisation déçoit après deux premiers films réussis.

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Benjamin (William Lebghil), jeune bachelier, fils d'un médecin et d'une historienne qui ont pleinement réussi et frère d'un normalien, se retrouve en première année commune aux études de santé (PACES) dans le but de devenir médecin. Il y rencontre Antoine (Vincent Lacoste) qui entame sa troisième première année, ayant pour objectif d'atteindre son rêve : devenir lui aussi médecin. Les bases d'un bon film sont posées, car très peu de cinéastes français ont osés filmer les études universitaires et de surcroît celles les plus difficiles (médecine, STAPS, ingénierie etc, etc). Ici, Thomas Lilti nous propose donc sa vision, assez réelle semble-t-il, au vu des confessions post-sorties du film, d'une première année et du concours final hautement complexe, ne laissant aucun répit, aucune possibilité d'avoir une vie sociale correcte hormis avec ces camarades étudiants. Dès le début, le cinéaste nous plonge dans l'ambiance et dans la dureté de cette année universitaire. 329 places en médecine, PAS une de plus. Antoine la loupera à une place près. C'est ainsi qu'il triplera et rencontrera Benjamin.

Exit les bizutages, les fêtes et les soirées estudiantines parisiennes : boulot, métro, boulot, boulot et encore boulot.

L'une des grandes qualités du film de Thomas Lilti est donc cette réalité là, celle des étudiants qui se donnent corps et âmes à cette PACES. Le seul hic : en faire un film. J'entends par là, qu'un documentaire aurait été beaucoup plus efficace et moins simplet. Car au-delà de cette première année, l'histoire raconte la naissance d'une amitié, la rupture de celle-ci et la renaissance de cette même amitié, de quoi se perdre, surtout pour une histoire cousue de fil blanc. Nous y reviendrons.

Autre point fort de ce film, toujours en lien avec la réalité de ces études, la solitude que l'étudiant peut éprouver au beau milieu de tous ces cours, toutes ces données, tout cet amas d'informations qu'il doit ingurgiter. Mais également la solitude qu'il ressent dans un milieu universitaire qui peut broyer n'importe quel être humain. La PACES plus qu'une autre filière...Cette solitude est d'autant plus criante lors des scènes de groupes et du concours dans cet immense hall d'un parc expo où des centaines et des centaines d'étudiants sont agglutinés. Thomas Lilti les filme en plan général, accentuant l'effet de masse, notamment quand tous les prétendants se lèvent à l'issue de l'épreuve. 

Malgré toutes ces bonnes intentions, Thomas Lilti déçoit là où habituellement il excelle. La mise en scène est basique et donc absente. Le cinéaste ne prend aucun risque et se contente de filmer tel un documentaire gentillet ces étudiants à la fois bosseurs et déconneurs. Il faut tout de même souligner que certaines scènes étonnent, notamment lorsque le professeur se met à chanter une chanson grivoise en guise de célébration de Noël. Mais, de façon générale, la mise en scène reste plate, tout comme les dialogues, que les acteurs n'arrivent pas à incarner, même s'ils y mettent tout leur coeur. Le scénario est également fade, sans aucune surprise, il se devine sans aucun problème. La relation entre Benjamin et son père est prévisible tant elle a été mainte et mainte fois évoquée dans le cinéma : ce père (ici grand chirurgien) qui réussit professionnellement et son fils qui, sans doute pour se rapprocher de ce père absent et qui le reprend tout le temps sur tout, entame les mêmes études que lui. La scène où il fête en famille sa réussite au concours aurait été un excellent moyen de montrer que le cinéaste sait être imaginatif et imprévisible pour le coup : en faisant arriver le père par surprise. Sans crier gare. Cela aurait donné un autre tournant au film.

Ne nous attardons pas sur cette histoire d'amitié qui, au-delà de cela, parle évidemment de la différence de classe sociale (parents huppés d'un côté, parents de classe moyenne de l'autre). Au final, que veut nous montrer ici Thomas Lilti ? Que malgré tout, deux classes sociales différentes peuvent être amenées à bien s'entendre. Je dis oui. Je dis aussi que c'est une facilité de montrer cela. Quel dommage. On pourrait aller plus loin dans la réflexion, car effectivement les études de médecines semblent atteignables pour des enfants de classes aisées ou moyennes alors qu'elle sembles inatteignables pour quelqu'un issu d'un milieu modeste, voire très modeste.

 

Les acteurs sont aussi très décevants. Vincent Lacoste fait du Lacoste, à merveille (et malheureusement). William Lebghil est tout sauf convaincant, il est dénudé de tous sentiments, de toute expression. Le jeu est inexistant. Et c'est très triste de voir que Thomas Lilti n'a pas choisi d'autres acteurs de la nouvelle génération plus brillants pour incarner mieux ces deux étudiants, pour qu'il y ait plus de profondeur dans ces personnages, là où le film en manque.

Au delà de toute cette réflexion, une question se pose : ce film est-il le film de trop ? Thomas Lilti s'est fait connaître grâce à des films médicaux, mais peut-être doit-il passer à autre chose, tenter de s'aventurer dans un autre univers. Car après tout, c'est ça le cinéma, non ? Tenter, créer, observer, s'aventurer dans toutes sortes d'univers. 

Frédéric Le Compagnon

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