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call me by your name
luca guadagnino

Chef d'oeuvre en vue. Je ne mâche pas mes mots, le cinéaste italien Luca Guadagnino signe un film spleenétique le temps d'un été sur l'amour naissant et brûlant entre deux hommes dans un Éden sublime quelque part en Lombardie. Tout est maîtrisé à la perfection dans le long-métrage, des acteurs aux cadrages et en passant par les dialogues. Guadagnino met aussi en scène l'immense maison et les paysages et sensations estivales comme des personnages à part entière, de même que la musique. Décryptage d'un grand film, beau et doux comme un été.

L'été comme saison des amours

Call me by your name est adapté d'un roman dont je ne connais pas l'auteur. Ce film est une pure merveille estivale après une semaine glaciale dû au fameux épisode météorologique Moscou-Paris qui a accaparé de façon pitoyable les médias français et européens durant presque une semaine (il fait froid, on le sait, merci bien). Au sortir de l'hiver et avec l'arrivée du printemps, ce film nous donne une multitude de sensations qui donnent envie d'être en été mais également de partir en Italie (personnellement, je vais en Toscane cet été, j'avais déjà hâte, mais alors là...je vous le dis, l'attente va être longue). Le cinéaste filme donc un été, dans une immense demeure Lombarde (Nord de l'Italie), dans ce qui semble être un petit village ou une ville de taille moyenne. Tout est là pour créer une atmosphère estivale à souhait : petits-déjeuners, déjeuners et dîners en terrasse abritée par les arbres, le bruit des cigales, les torses nus des jeunes hommes, les petites tenues des jeunes femmes, les lunettes de soleil, la sieste, la chaleur accaparante nous prend même alors que nous sommes dans la salle obscure.

L'été s'installe lentement, comme les amours que le cinéaste filme. Dès les premières secondes du film, avec l'arrivée d'Oliver (Armie Harmmer), étudiant américain d'une vingtaine d'années, Guadagnino laisse la part belle aux émotions des personnages principaux, au silence du dialogue il préfère l'éloquence d'une situation, d'une respiration, d'un regard. Elio (Timothée Chalamet) tombe amoureux du sculptural Oliver. L'attente d'un premier baiser est longue, comme les journées d'été, les deux hommes se laissant désirer l'un et l'autre. Guadagnino laisse les spectateurs à leurs questionnements : quand cet amour va se concrétiser ? Sont-ils réellement amoureux ? N'est-ce qu'une passade de jeunesse pour Elio ? N'est-ce qu'une expérience sexuelle pour Oliver ? Le cinéaste ne fait aucune différence entre les deux hommes, chacun est filmé de façon équitable, souvent en contre-plongée l'un et l'autre, chacun prenant l'assurance sur l'autre chacun leur tour.

L'été est la saison des amours par excellence, une saison sensuelle et parfois sexuelle. Le cinéaste filme l'été comme un personnage à part entière, les personnages se laissant happer par une chaleur insoutenable, par un orage, par un vent brûlant. Plusieurs scènes, plusieurs cadrages donnent la part belle aux paysages, aux lieux du film, avec plus ou moins de symbolisme. Quelques exemples ; une contre plongée sur une croix qui surplombe le clocher d'une église comme si Dieu et la religion était au dessus de tout, le bruit des vagues du lac ou de la rivière, les arbres sont très présents également, le bruit du vent dans leurs branches étant une musique à part entière. La symbolique la plus importante restant le fruit : la pêche. Elle devient alors un objet inhérent au film, comme un fruit défendu qui devient objet sexuel dans une scène criante de vérité : quand le jeune Elio se masturbe en plaçant son sexe dans une pêche qui a abondamment coulée sur son torse. Il est intéressant dans cette scène de relever que la pêche est, en Chine, symbole d'immortalité. Ainsi, le cinéaste, nous signifie qu'en se masturbant de la sorte, le jeune Elio, en plus de tester quelque chose de nouveau, espère que le plaisir charnel qui le lie à Oliver soit immortel, sans fin. Or, dès le début nous savons que cela est impossible car l'étudiant n'est là qu'un été. 

Musique corps et âme

Luca Guadagnino a fait de la musique également un personnage qui a son importance. Parfois, il nous ressort de vieux tubes disco des années 1980 (époque où se déroule le film), ce qui donne une vérité saisissante. Mais bien souvent, quelques notes de guitare ou de piano amplifient l'esprit spleennéen que j'évoquais plus haut. Quand je dis spleen, je pense à une certaine tristesse, une mélancolie qui habite le film (via les personnages bien sûr mais par l'histoire en elle-même). Je pense aussi à un questionnement perpétuel sur soi, malgré toute la beauté et la joie de l'amour éprouvé. Cela équivaut à dire que le cinéaste nous laisse un beau message : l'amour et les sentiments qu'éprouvent deux personnes ne veut pas forcément dire qu'elles seront ensemble jusqu'à la fin de leur vie. Malgré tout, leur sincérité réciproque sera préservée. Ainsi donc la musique (à écouter encore et encore) apparaît pendant de longs moments, parfois plus courts de quelques secondes seulement, mais elle apporte une plus valu essentielle à la narration et donne aux spectateurs une impression d'éternité à ces premiers amours d'été. Le piano se mariant parfaitement aux paysages Lombards. La musique habite les corps et les âmes de chaque personnage, de chaque lieu, de chaque sensation.

Tout le film repose sur des sensations que chacun de nous peut vivre. La grande réussite de Luca Guadagnino est de nous laisser nous prendre au jeu, de vivre le film comme si nous étions physiquement présent en Lombardie, avec Elio, Oliver, Marzia et les autres. C'est la grande magie du cinéma. 

Timothée Chalamet, un ange gracieux

Quel acteur ! Retenez bien ce nom : Timothée Chalamet, 22 ans, franco-américain. Il irradie le film de sa présence et de son incarnation juste et émouvant du jeune Elio, 17 ans, en proie à des doutes complexes auquel chaque adolescent peut être confronté.

Le jeune acteur est prodigieux dans ce film, il donne corps sans répit à ce jeune homme. D'ailleurs, c'est notamment par son corps qu'il l'incarne le mieux me semble-t-il. Sans paroles, avec des regards ou des gestes, il incarne toute la complexité à laquelle il fait face. Une complexité sensuelle et charnelle. Résister ou pas au bel Oliver ? Continuer sa relation avec Marzia (c'est d'ailleurs avec elle et non avec Oliver qu'il aura sa première expérience sexuelle) ?

Timothée Chalamet est, du moins dans ce film, un acteur corporel à souhait. Par ce corps fin et imberbe il incarne audacieusement le désir envers Oliver. Prenons l'exemple où il trouve un short de l'étudiant et le met sur sa tête, le sent puis commence doucement à se caresser et à mimer une position sexuelle pour le moins équivoque. Pourtant ici, aucune vulgarité, le jeune acteur le fait avec une certaine grâce, une lenteur qui correspond plus à un désir sensuel que sexuel. De même que dans la scène de masturbation avec la pêche, avant de passer à l'acte, un gros plan film ses doigts caressant tendrement la pêche comme si c'était le corps d'Oliver, aucun bruit sauf celui des deux peaux (humaine et celle du fruit) qui se cherchent.

Attardons-nous également sur le visage de Timothée Chalamet. Il peut tout éprouver et évoquer en quelques secondes. Certaines scènes sont criantes de vérité, notamment celle qui clot le film. Face à la lueur du feu de cheminée, repensant à cet amour perdu quelques mois auparavant et se rendant compte que celui-ci ne reviendra pas, le cinéaste filme le visage de l'acteur en gros plan. Un léger sourire et beaucoup de larmes, Elio ne bouge pas, il est comme éclairé par une douce pensée de ces moments passés avec Oliver. Durant ces minutes qui font office de générique de fin, l'acteur arrive prodigieusement à nous transporter dans ses pensées, dans sa douleur.

De même, Timothée Chalamet est aussi génial quand il parle anglais, français et italien. Il passe d'une longue à l'autre d'une façon magistrale.

Les autres acteurs ne sont pas en reste, premièrement Armie Hammer qui trouve ici son meilleur rôle, sans doute le plus profond et intime. Il est tout en pudeur au début avant de s'affirmer, tout l'inverse du rôle d'Elio en somme. Amira Casar est parfaite en mère protectrice sans en faire trop. Celle qui comprend tout, mais qui ne dit rien. Celle qui par de simples gestes avoue tout l'amour qu'elle porte à son fils unique. Chapeau bas à Michael Stuhlbarg, qui incarne le père d'Elio, dans cette scène après la séparation des deux amants où il donne toute son approbation et tout son amour à son fils. Lui avouant qu'il a eu par le passé quelques flirts avec des hommes, lui avouant qu'il est fier de son fils. Une scène clé et bouleversante.

 

Je vais m'arrêter là, car je pense avoir évoqué l'essentiel de ce film si beau, si doux, comme un vent doux d'un été brûlant. Un film qui est une respiration rafraîchissante et évocation d'un spleen intemporel. Plusieurs heures de réflexion et d'écriture aurait été propice à bien cerner ce film, mais c'est volontairement que j'abrège cette critique, pour vous sommer d'aller voir ce long-métrage qui invite à la réflexion sur bien des sujets au-delà du principal.

Un grand, un beau film, comme une pépite qu'on garde jalousement sous la main. 

Frédéric Le Compagnon

CARNIVORES
YANNICK ET JÉRÉMIE RÉNIER

Rien que le titre que de ce film, le premier coréalisé par les frères belges Yannick et Jérémie Rénier, nous laisse pantois. S'agit-il d'une sombre histoire de cannibalisme à la Hannibal Lecter et au Silence des Agneaux ? Que nenni ! Juste une petite et simple histoire de deux sœurs comédiennes (l'une star, l'autre non) qui tourne au vinaigre (bien aigre…). Un film facile, sans rebondissements, sans matière, sans évolution, plat comme une planche de pain. On s'en serait bien passé. 

Un film cousu de fil blanc, un scénario absent

Par où commencer cette critique tant le film est désespérant à bien des égards. Par l'histoire en elle-même tiens ! Quel-est le spitch de ce film ? Deux sœurs comédiennes dont l'une est une célébrité et l'autre qui enchaîne encore les castings à la recherche du rôle qui la fera sortir de l'ombre. Accablée par le metteur en scène de son nouveau film, Sam (Samia / Zita Hanrot) la sœur célèbre disparaît du jour au lendemain sans crier gare dû à une sans doute trop grande pression et exposition (c'est le prix à payer…). Son aînée, Mona, profite de cette disparition pour prendre place dans la vie des proches de sa sœur : son compagnon et leur enfant, mais aussi pour lui piquer sa carrière. Puis la sœur réapparaît, une colère enfouie depuis des lustres fait surface au détour d'une petite route éloignée, et là dramatique accident de circonstance où volonté féroce d'en finir une bonne fois pour toute : l'une tue l'autre. Désolé pour le spoiler, mais ceci démontre bien que tout dans le titre annonce une fin sanglante pour l'une des deux. C'est d'ailleurs la seule justification du titre qui vaille la peine. La messe est dite. Même dans la bande annonce je me doutais d'une issue telle que celle-là...Où est l'innovation des frères Rénier ? Nulle part j'ai envie de dire. Là, où les frères Dardenne ont réussi à construire une filmographie constante et relativement prenante sur des faits divers et des faits de société actuel, contemporain et terriblement efficace à l'écran avec de bons dialogues, une écriture fluide et une atmosphère qui leur est propre, les Rénier font tout le contraire. D'accord les films des frères Dardenne sont peut-être un peu « chiants » pour reprendre l'expression courant et populaire mais ils ont le mérite de faire réfléchir sur un sujet précis et sociétal. Ici, il n'en est rien, les deux frères Rénier n'avait qu'une envie : parler d'eux, de leur passif commun au travers des deux sœurs. Le film est presque mièvre, les dialogues n'en parlons même pas tant il sont pauvres et irréfléchis, la qualité de l'écriture est aussi pauvre que l'idée elle-même du film. Deux sœurs ennemies, c'est du vu et du revu. L'écriture manque d'aplomb, de style et de matière à. Ici, aucun suspens, si ce n'est la bonne qualité de la musique. Dès le début on s'attend au pire. Ok, la seule vraie question qu'on se pose : laquelle va mourir sous les coups de l'autre. Merci l'innovation cinématographique.

Même dans la réalisation le film demeure plat et insignifiant : plans simples, cadrages au plus près des personnages comme pour essayer d'être au plus près d'eux, de leur douleur, leur peine (Un procédé typiquement Dolannien, que lui réussit). Le montage est médiocre et simpliste, je passe. J'avais l'impression d'un long-métrage fait à la va-vite, comme pressé par le temps, comme si c'était la dernière occasion pour les frères Rénier de se réunir derrière la caméra. Un conseil : rester devant. 

Pourquoi forcément tuer l'autre ?

Cette question me taraude depuis avoir vu le film. Pourquoi faut-il forcément tuer l'une des sœurs ? Je ne loue pas les bonheurs d'un happy-end, mais enfin plusieurs autres pistes d'approches d'écriture auraient mérité les honneurs. Par exemple, le non retour de Samia, et l'ascension de Mona dans une atmosphère d'angoisse et de questionnements (sa sœur reviendra-t-elle ? Voit-elle ma gloire arriver ? Etc). Sans pour autant assassiner l'une des deux, j'aime l'idée que celle qui a connu le succès avant l'autre ne puisse pas assister à sa propre déchéance et à l'ascension de son aînée (du coup, vous aurez deviné, c'est Samia qui meure). L'idée de la disparition soudaine et inexpliquée était relativement bonne (les raisons du pourquoi le sont moins, telles qu'on les devine), mais par pitié pourquoi l'avoir fait réapparaître ? Pour nous donner une pauvre scène de dispute sous les coups de l'alcool et qui finit par une bagarre qui tue accidentellement l'autre (enfin, quasi accidentellement…). Justement non ! J'aurai aimé que les non-dits restent, qu'il y ait encore plus de silences entre-elles, que cette scène si prévisible n'arrive pas et qu'on ne donne pas toutes les clés au spectateur. Seule chose qu'on ne lui donne pas : le corps va-t-il être retrouvé ? Mona va-t-elle être inquiétée ? Le champ des questionnement est somme toute assez restreint. Pour ne pas dire inexistant.

Quant aux acteurs...quelle peine de voir la géniale Leïla Bekhti dans un film aussi médiocre que son talent est grand. Son jeu en pâti et paraît affreusement dérisoire pour ne pas dire insignifiant. Elle paraît en faire le moins possible, sans effort, elle se confond en gentillesse et d'un coup se montre telle une méchante marâtre. Quelle déception. Il en est de même avec Zita Hanrot. Seul peut-être Bastien Bouillon tire son épingle du jeu, et encore car il ne parle pas beaucoup, mais fait tout passer par son regard. On est très loin d'une très bonne direction d'acteurs.

 

En somme, nous assistons à un film plat, sans relief, à l'image du pays d'où sont originaires les pseudos cinéastes Yannick et Jérémie Rénier. Aucune once d'émotion ne se dégage de ce premier film qui je l'espère sera le dernier de leur collaboration. Parfois, il faut savoir rester devant la caméra, rester bon acteur et ne pas devenir cinéaste médiocre. 

Frédéric Le Compagnon

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