top of page
DEpuis médiapart
Naruna kaplan macedo

Naruna Kaplan de Macedo a suivi l’équipe de rédaction de Médiapart en 2017, année riche en « affaires » (Baupin, financement Lybien, etc) mais surtout marquée par la présidentielle. Difficile, au regard d’un système médiatique vorace de nouvelles fraîches, de ne pas considérer ce film comme déjà périmé avant même sa sortie. Pourtant, et le montage a sans doute été travaillé dans ce sens, quelques séquences du documentaire raisonnent particulièrement en cette période où le pouvoir macronien, fragilisé, s’enfonce de semaines en semaines dans un autoritarisme que l’on associerait plus spontanément à l’extrême droite.

depuismédiapart.jpg

Le film est très linéaire, sa progression se cale surtout avec celle de la campagne présidentielle et de ses multiples rebondissements, répétant ainsi le storytelling éculé de cette période. Même si on suit aussi le travail d'enquête mené par exemple sur l'affaire Baupin ou encore celle du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy c'est avant tout l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron qui est cœur du film. La réalisatrice alterne donc entre des entretiens avec les rédacteurs “ stars ” de Médiapart (Ellen Salvi, Fabrice Arfi, etc) et des images des comités de rédaction, de quelques moments sur le terrain (meetings) et des débats organisés entre Médiapart et les candidats à la présidentielle. On aurait très bien pu se passer des images pour ne garder que le son car finalement c’est surtout ce qui est dit qui est intéressant, les images ne sont que décorum. Ce manque évident d’originalité dans le traitement appauvrit l’analyse que l’on aurait pu faire de ce moment d’hystérie politique et médiatique. Peut-être n’était-ce pas l’enjeu de ce documentaire mais plutôt celui de montrer une rédaction au travail ? Si c’est le cas, là encore la manière de nous présenter les choses n’est pas très originale (prises de vues des journalistes à leur bureau, au téléphone, analysant des documents, etc) car évidemment difficile de filmer les méthodes d’un média d’investigation sans mettre en danger justement l’efficacité de leur travail. Le film oscille donc entre mise en perspective de la présidentielle de 2017 et mise en lumière du travail d’investigation mais comme ces deux axes manquent de densité et d’analyse, on reste dans une superficialité très frustrante.

Entre deux clopes fumées à la fenêtre et une gorgée de 1664, les journalistes échangent sur ce qu’ils pensent du vote, de la cinquième république et on aurait aimé voir plus ce genre de discussions, et mieux comprendre comment ils se positionnent les uns et les autres face à ce concept nébuleux qu’est la neutralité journalistique. L’un des échanges les plus intéressants étant justement le moment au tout début de la présidentielle (au moment des primaires) où, en comité de rédaction, ils se posent justement la question de jouer ou pas le jeu de la présidentielle. Sur les liens entre les différents journalistes, là encore les choses restent en surface, on retrouve comme partout ailleurs le rigolo de l'équipe, celle qui s’implique à fond, le vieux sage (Edwy Plenel bien sûr), etc, mais impossible de vraiment saisir au milieu d'une horizontalité de façade comment les décisions se prennent in fine. La seule véritable fulgurance du documentaire est la séquence filmée lors de la soirée de second tour : après l'annonce du résultat, Edwy Plenel laisse couler une larme et déclare que les temps à venir vont être difficiles et que la tâche qui les attend est énorme. Deux ans plus tard, juste avant la sortie du film, la rédaction s'oppose à une tentative de perquisition de ses locaux suite à leur série de révélations dans le cadre de l'affaire Benalla. Le « vieux singe » avait raison.

Malheureusement du fait de sa superficialité le documentaire m’apparait surtout comme un film de vacances fait entre copains, et si vous n’êtes pas des lectrices ou des lecteurs de Médiapart vous risquez de vous sentir comme la personne qui n’a pas été invitée…

depuismediapart 2.jpg

Anne-Lise Desgranges

bottom of page